Recherche
L’objectif de notre programme de recherche est d’étudier les mécanismes de résistance aux antibactériens (antibiotiques, métaux, phages) et de comprendre comment les phages contrôlent les bactéries pathogènes dans la nature.
Pourquoi ?
En 2050, les bactéries multi-résistantes aux antibiotiques pourraient causer 10 millions de décès par an. La dégradation de l’environnement (pollution, baisse de la diversité) joue un rôle clé dans le développement et la propagation de la résistance aux antibiotiques. Mais l’environnement est aussi source d’espoir pour découvrir des solutions thérapeutiques plus respectueuses de la nature. Par exemple, les bactériophages (ou phages) sont des prédateurs naturels des bactéries et sont très abondants dans les milieux aquatiques, qu’il s’agisse des égouts à proximité des hôpitaux ou des fermes aquacoles. Les phages se multiplient dans leur hôte et sont très spécifiques de certaines bactéries. On va rechercher des phages n’infectant que les pathogènes et n’infectant pas les bactéries utiles. Il est parfois nécessaire d’utiliser différents phages (ou cocktail) pour tuer l’ensemble des bactéries pathogènes, soit parce que le phage n’infecte qu’une partie des bactéries pathogènes, soit parce que les bactéries développent une résistance, tout comme avec les antibiotiques. Cependant si l’apparition de résistance aux phages est souvent observée au laboratoire, il semble que dans la nature, les choses soient différentes. Dans un jeu de « course aux armements », la bactérie développe des mécanismes pour résister aux phages, lesquels contre attaquent en développant une contre résistance. Comme l’évolution conjointe du phage et de la bactérie (ou coévolution) peut se faire au détriment d’autres capacités, on dit qu’elle a un coût. Par exemple elle peut se traduire par une baisse de la virulence de la bactérie, un atout majeur dans le traitement d’une infection.
Comment ?
Nous allons étudier les mécanismes et l’évolution de l’interaction entre les bactéries et leurs phages dans des populations naturelles. Nous utiliserons les bactéries marines de la famille des Vibrionaceae (ou vibrios) comme système modèle. Les vibrios comprennent des pathogènes humains responsables de gastroentérites au Canada (e.g. V. parahaemolyticus) et des pathogènes d’animaux (poissons, crustacés et coquillages). Notre système d’étude favorise donc la recherche translationnelle dans le cadre d’un domaine de recherche prioritaire pour l’UdeM « une seule santé ». Sur la base d’une large collection d’isolats, nous explorerons les mécanismes impliqués dans la coévolution des phages et des bactéries, la manière dont cette coévolution affecte la spécificité des phages et la pathogénicité des bactéries. Le travail proposé est innovant car il combine l’écologie, la génomique populationnelle, comparative et fonctionnelle ainsi que la microscopie pour explorer en “temps réel” le comportement et l’évolution de ces microbes.
Research Projects from the members of the lab
Manon Lang (Post-Doc)
Nous avons dévoilé une nouvelle famille de satellites connus sous le nom de Phage-Inducible Chromosomal Minimalist Islands (PICMIs) (Rubén Barcia-Cruz et al., 2024). Ces satellites sont caractérisés par un contenu génétique réduit et ne possèdent pas de gènes pour le remodelage de la capside, mais emballent leur ADN sous forme de concaténateur. Les PICMIs s’appuient sur des phages virulents pour se disséminer vers d’autres bactéries et protègent leurs hôtes des phages compétitifs sans entraver leur phage auxiliaire.
Manon entreprendra la caractérisation des mécanismes moléculaires régissant chaque étape du mode de vie des PICMI. Il s’agit notamment d’élucider l’activation par le phage auxiliaire, l’excision du génome de l’hôte, la réplication via le cercle roulant, l’empaquetage dans la capside et d’examiner son rôle dans la résistance de l’hôte bactérien. En outre, elle étudiera la relation structure-fonction de diverses protéines AlpA régulatrices putatives identifiées dans un large spectre de satellites.
Carine Diarra (Responsable de laboratoire/technicienne)
Carine est chargée de gérer les différents aspects du fonctionnement du laboratoire, y compris les commandes de fournitures, la tenue de l’inventaire des stocks et la coordination de la collecte des micro-organismes. En plus de ses tâches administratives, elle participe activement à la réalisation d’expériences à grande échelle pour faire avancer des projets de recherche spécifiques.
Actuellement, Carine collabore avec Jeff, notre stagiaire d’été, pour étudier la dynamique d’infection des phages appartenant à la famille des Schizotequatrovirus. Leur recherche se concentre sur l’examen des modèles d’infection à la fois au niveau de la population et de la cellule unique, en utilisant des techniques classiques de virologie ainsi que des méthodes de microscopie et de cytométrie en temps réel. Cette étude est facilitée par les ressources fournies par la plateforme de microscopie et de cytométrie du CIB.
Martin Lamarche (conseiller scientifique)
Martin est chargé de superviser le développement des approches de biologie moléculaire pour les phages et les vibrions, y compris la formation du personnel. Nous utilisons des techniques de remplacement allélique pour manipuler les gènes bactériens liés à des phénotypes spécifiques. Dans notre étude des gènes de phages liés à l’infection, nous utiliserons des outils génétiques tels que la recombinaison homologue et les systèmes de contre-sélection basés sur CRISPR, en collaboration avec Damien Piel du laboratoire d’Alexander Harm à l’ETH Zürich. Martin gère notre machine de PCR numérique en gouttelettes (Biorad QX600) et adapte les protocoles à nos questions de recherche spécifiques et à nos systèmes de modèles.
Actuellement, il collabore avec Charles Bernard du laboratoire d’Eduardo Rocha à l’Institut Pasteur, en se concentrant sur la caractérisation des éléments de défense et d’antidéfense impliqués dans la coévolution des vibrions et des phages.
Dario Cueva (Étudiant de Doctorat)
Grâce à nos travaux publiés (Piel et al., 2022), nous comprenons maintenant clairement les composants génétiques spécifiques qui méritent notre attention pour surveiller les lignées coévolutives en « temps réel » dans l’environnement. Plus précisément, nous avons identifié des clades nichés au sein de V. crassostreae et des espèces de phages qui démontrent une adsorption concordante. Nous avons également montré que la coévolution dépend des défenses bactériennes et des contre-défenses des phages. Forts de ces connaissances, nous avons étendu notre échantillonnage à une initiative d’échantillonnage chronologique au sein d’une ferme ostréicole afin de tester notre hypothèse selon laquelle la prédation par des phages virulents affecte la dynamique d’infection de V. crassostreae pour deux raisons : elle réduit la densité du pathogène et sélectionne des souches de vibrions moins virulentes et résistantes aux phages.
Le projet de Dario fait partie intégrante de l’étude sur la dynamique éco-évolutive des phages dans la nature. À l’aide de la ddPCR, Dario surveillera systématiquement l’abondance de chaque clade de vibrions et de chaque espèce de phage dans le temps et dans l’espace afin de démontrer formellement que la prolifération du prédateur coïncide avec le déclin de la proie. En se concentrant sur le clade V1, Dario explorera l’origine et les conséquences de la petite taille du génome de ces souches.
Jeff Liang (Post-Doc)
Jeff travaillera sur l’analyse bioinformatique des collections de données constituées au cours des années d’enquête du groupe Le Roux sur ce système phage-vibrio. Sa recherche se concentrera sur l’étude des fondements génétiques des différences de pathologie et d’écologie entre les souches apparentées de V. crassostreae. Les espèces du genre Vibrio présentent souvent un pangénome ouvert et des niveaux élevés de transfert horizontal de gènes, caractéristiques qui contribuent probablement à l’adaptation des espèces à leurs niches écologiques.
Si l’on sait que le regroupement de ces souches par alignement du génome central est lié à la virulence et à la sensibilité aux phages, la contribution de la diversité du génome accessoire n’est pas connue. Le projet de Jeff s’intéressera à la dynamique évolutive du système stratifié huître-Vibrio-phage par le biais d’approches génétiques comparatives des populations et d’écologie inversée. Il s’agira notamment d’évaluer la pression de sélection historique, de déduire les schémas de l’histoire des populations et de procéder à des évaluations phylogéographiques des populations recombinantes. Ces études seront menées en partenariat avec le groupe Shapiro de l’Université McGill et le groupe Rocha de l’Institut Pasteur.